Au lendemain des élections fédérales, qui enregistrent la première baisse majeure de l’UDC en près de 20 ans, Christoph Blocher a le bouc-émissaire tout trouvé : le Romand paresseux. De ce côté-ci de la Sarine, ça passe moyennement.
« C’est un peu léger comme déclaration », s’étrangle Oskar Freysinger sur les ondes de Radio Rhône, qui botte en touche, rejetant la faute sur la vaste manipulation écologiste qui a accompagné les élections européennes dans le sillage « zéro émission » de la douce Greta.
Certes, à force de répéter les mêmes erreurs, certaines sections romandes ont éclaté en plein vol mais il y assurément une chose que Christoph ne voit pas – ou ne veut pas voir – et qu’Oskar ne dit pas – ou ne peut pas dire –, c’est la très profonde déception qui a traversé la base UDC en 2019. Bien sûr, on a poutzé les centres de requérants et freiné sur le migrant avant la date fatidique, bien sûr, on a passé en boucle des images d’ours polaires naufragés sur des pans de glaciers, mais la faute ne peut être entièrement rejetée sur l’habileté des boîtes de com’. Un petit tour des popotes aurait suffi à prendre la mesure de la profonde frustration du petit électeur UDC, qui a très bien compris qu’en bastant sur le 9 février, son parti avait définitivement relégué la question essentielle de l’immigration au second plan. En jetant l’éponge, l’UDC a admis que la pierre angulaire de son programme, la raison première de son succès, ne méritait pas vraiment qu’on se batte. Raison pour laquelle elle a cédé si facilement sa place à la légende millénariste qui sert désormais de programme politique à notre Assemblée fédérale.
Cocus de la démocratie, les électeurs UDC se sont retrouvés comme des Anglais devant le Brexit. Le sentiment que les dés de la souveraineté sont pipés, que tout est décidé d’avance, ailleurs, sans eux, la certitude d’avoir été trahis par une aile zurichoise vendue au mirage du libéralisme, qui n’a rien fait et trouve encore le toupet d’accuser les Romands, l’emportent. La faille est profonde. Pas dit qu’elle se répare en quatre ans.