Quand les banques tomberont, elles nous mangeront

postfinanceAprès l’étrange crise de 2008 et sa récupération tout aussi inexplicable, le spectre de 1929 semble bien déterminé à faire une apparition au banquet de son centenaire.

Le 31 décembre 2014, l’Union Européenne invitaient les Etats membres à intégrer un « règlement uniforme » pour la résolution des défaillances bancaires et des grandes entreprises d’investissement, la Directive sur le redressement et la résolution des crises bancaires (BRRD) [1]. L’invitation était, bien sûr, une injonction, le 22 octobre, la Commission annonçait des poursuites devant la Cour de justice européenne contre six de ses membres – Tchéquie, Luxembourg, Pays-Bas, Pologne, Roumanie et Suède – n’ayant pas encore adopté la norme de droit communautaire [2] ; de toute évidence ça presse.

Mis à part ces quelques mauvais élèves, tout le monde s’est plié, même la France qui, le 20 août dernier, a rendu l’ordonnance n°2015-1024 avec entrée en vigueur au 1er janvier 2016.

Cette Directive, que dit-elle ?

La crise financière a révélé un manque criant, au niveau de l’Union, d’instruments permettant de faire face efficacement aux établissements de crédit et entreprises d’investissement (ci-après dénommés ensemble «établissements») peu solides ou défaillants. De tels instruments sont, en particulier, nécessaires pour éviter l’insolvabilité ou, en cas d’insolvabilité avérée, pour en minimiser les répercussions négatives en préservant les fonctions importantes, sur le plan systémique, de l’établissement concerné. Pendant la crise, ces défis ont pris une importance majeure, contraignant les États membres à utiliser l’argent des contribuables pour sauver des établissements. L’objectif d’un cadre crédible pour le redressement et la résolution est de rendre cette intervention aussi inutile que possible. [3]

En clair, les Etats n’ont pas aimé devoir payer, sans la moindre contrepartie et parfois même sans espoir de remboursement, pour les fameux Too Big to fail. Du coup, pour sauver l’argent des contribuables, l’Union a trouvé l’expédient idéal, l’argent des épargnants. Et qui y a-t-il entre les épargnants et les contribuables ? L’Etat. Les Etats ont donc fait une loi pour reporter sur les épargnants les charges qu’ils ne veulent plus assumer, même pour les banques d’Etat. Dits épargnants se retrouvent donc dotés de la qualité d’actionnaires responsables, mais en cas de faillite seulement.

Le régime devrait garantir que les actionnaires soient les premiers à supporter les pertes et que les créanciers assument les pertes après les actionnaires, pour autant qu’aucun créancier n’encoure des pertes plus importantes que celles qu’il aurait subies si l’établissement avait été liquidé selon une procédure normale d’insolvabilité. [4]

Le créancier d’une banque, c’est l’épargnant, ce qui veut qu’une fois les vrais actionnaires responsables passés à la caisse, l’épargnant sera sollicité – quoique pas au-delà de ce qu’il a déposé –, selon une procédure extraordinaire de faillite. Décidée par qui ? L’Etat bien sûr. A la demande de qui ? Des banques évidemment… Vous avez parfaitement compris, c’est du vol, un braquage pur et simple.

En Suisse

De la blanche cime de nos monts, il est souvent de bon ton de considérer l’étrange étendue désertique dévastée par le socialisme qui nous fait frontière avec un brin de scepticisme amusé. Ce serait oublier que notre pays, en première ligne dans la guerre bancaire, n’a pas attendu l’expression du bon vouloir de l’Excellence bruxelloise pour anticiper ce qu’il convient d’appeler le « chypriotage » des comptes.

En effet, dès 2012, l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers, la FINMA, passait, non sans une relative discrétion, pour ne pas dire en douce, les nouveaux articles 49 et 50 de son ordonnance sur l’insolvabilité des banques [5], disant que « tous les fonds de tiers peuvent être convertis en fonds propres » sur simple décision unilatérale de la FINMA. L’art. 41 lui donne effectivement tout pouvoir pour substituer à la procédure conventionnelle une « procédure d’assainissement » qui permettrait aux banques d’échapper à la faillite en faisant main basse sur l’argent des épargnants. Tout pouvoir, c’est peu dire, l’art. 28 de la loi sur les banques (LB) [6] statue que la FINMA peut ordonner une procédure d’assainissement « lorsqu’il paraît vraisemblable qu’un assainissement aboutira » ; on ne fait pas plus contraignant…

Devant les premières manifestations d’hostilité, l’on fit mine alors de prétendre que ces articles 49 et 50 épargneraient les comptes inférieurs à 100’000 francs ainsi que les créances salariales ou d’assurance. Dans les faits, les art. 219 al. 4 de la loi sur les poursuites pour dettes et la faillite [7] et 37a al. 1 à 5 LB, que cite l’art. 49, n’étendent leur garantie relative aux créances salariales que sur un délai ne dépassant pas les « six mois précédant l’ouverture de la faillite ». Ainsi, même les comptes-salaires pourraient tomber. Quant aux 100’000 francs, le Conseil fédéral « peut adapter le montant maximal fixé […] à la dévaluation de la monnaie », à bien plaire (art. 37a al. 2 LB). En clair, le prochain qui met à bas une banque se verra peut-être offrir les moyens de racheter un pays.

Ceci étant, en 2013, Tobias Lux, porte-parole de la FINMA, balayait benoîtement les inquiétudes de chacun au prétexte qu’une apocalypse bancaire était pour l’heure impossible en Europe. L’empressement de l’UE à imposer la BRRD ne semble hélas plus plaider en ce sens.

La question subsiste encore de savoir si la garantie d’Etat illimitée, abolie au 31.12.2012 mais qui résiste encore dans certaines banques cantonales [8], prime malgré tout sur l’ordonnance de la FINMA – cette première étant de droit cantonal et cette dernière de droit fédéral – et si les cantons ne préféreront pas se cacher derrière la primauté du droit fédéral plutôt que d’appeler les contribuables au secours de leur parole donnée. Mais tout cela, nous l’a-t-on répété, est fortement improbable et ne peut arriver.

Tétanie politique

Ce putsch bancaire et financier s’est bien évidemment déroulé dans un silence de cathédrale, exception faite d’une motion parlementaire de l’UDC valaisan Oskar Freysinger [9], lequel n’a pas hésité à qualifier la méthode de « gigantesque jeu de l’avion » [10]. Motion à laquelle le Conseil fédéral répondra avec embarras, prenant le parti de se cacher derrière les compétences rares de la FINMA, ashram ultime au cœur des arcanes d’une science inaccessible au commun des mortels : « La FINMA dispose d’informations non accessibles au public sur la situation du patrimoine, des finances, des revenus et des risques des banques assujetties. » Le gouvernement a bien l’intention de procéder selon sa volonté sans se laisser impressionner par les récriminations de la piétaille.

Les dernières institutions de Suisse à opérer des activités de banque sans être soumises à la FINMA ont été prestement ramenées au bercail, comme Postfinance, élevée au rang d’institut bancaire le 26 juin 2013.

Que faire alors ? Placer un maximum de 100’000 francs dans chaque banque ? Le montage juridico-financier que nous venons de voir n’est guère encourageant. Louer un coffre ? Mais qui dit qu’une fois tombées, les banques accepteront de rouvrir leurs portes pour vous laisser y accéder, et qui dit que leur contenu ne seront pas, un jour prochain, mis au rang de ces fameux fonds propres appelés si allègrement à changer de main ? Planquer des Vreneli dans l’armoire forte du cellier ou la cassette au fond du verger, mais la situation sécuritaire n’est guère engageante et l’on se met toujours à parler dès que l’on est un peu chatouillé.

Que faire alors ? La réponse est bien simple, Donnez ! Investissez dans un avenir meilleur, préparez-vous un pays neuf, de nombreuses associations, dont la nôtre, ont besoin de vos dons pour préparer le futur. Donnez, Dieu vous le rendra au centuple ce qui, en termes de placement, reste du jamais vu. Donnez et vous aurez choisi qui vous prend, donnez et vous ne serez plus jamais déçu d’avoir perdu !

Noël Macé

1 Pour Bank Recovery and Resolution Directive. Cf. Communiqué de presse de la Commission européenne du 31 décembre 2014.

2 Communiqué de presse de la Commission européenne du 22 octobre 2015.

3 DIRECTIVE 2014/59/UE DU PARLEMENT EUROPEEN ET DU CONSEIL du 15 mai 2014, point 1.

4 Idem, point 5.

5 RS 952.05.

6 RS 952.0.

7 RS 281.1.

8 Toutes sauf BE, VD et GE.

9 14.3201 – Non à la confiscation des fonds privés par les banques.

10 « La catastrophe est programmée », article du 26 mai 2015 sur le site ofreysinger.ch/73-la-catastrophe-est-programmee.

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