Licenciement immédiat, intimidations, menaces : L’Etat cherche-t-il à faire taire le plaignant ?

La république gouverne mal mais se défend bien. Après une dénonciation pour actes de torture, l’Etat du Valais semble prêt à tout pour réduire le plaignant au silence.

Au lendemain des évènements du 9 mai, vacillant, ivre encore des étreintes de la veille, mais néanmoins déterminé, le militant des droits des personnes en situation de handicap revient manifester – toujours légalement – au lieu même de son interpellation, histoire de se remettre en selle, de vaincre la peur, de prouver, à ceux qui la pratiquent, que la violence ne saurait l’emporter et aussi parce que, comme dit le Canard, la liberté ne s’use que si l’on ne s’en sert pas.

 

1ère scène : 10 mai 2023, rue du Grand-Pont, à Sion, dans la matinée

Il est là, comme les jours précédents, devant ce casino du Grand Conseil où certains se croient autorisés à flamber le destin d’une plèbe qu’ils craignent même de saluer quand elle se tient à leur porte. Prévenue sur dénonciation anonyme, une patrouille de la police régionale des villes du centre (PRVC), deux agents, se campe devant celui qu’ils ont ‘trituré’, la veille, pendant 15 heures.

Le reste est digne de Scorsese :

– Bonjour M. XXX.

Pas de réponse. Il insiste.

– BONJOUR !

Silence.

– Alors, M.XXX, on ne dit plus bonjour ?

Non, en effet, il ne dit plus bonjour.

Ils le prennent en photo.

– Vous ne l’emmenez pas cette fois ? Demande un témoin de la veille.

– Non, il a le droit d’être là.

Et d’ajouter, sur le ton du dépit.

– C’est la liberté d’expression…

 

2e scène : 11 mai 2023, rue du Grand-Pont, à Sion, dans la matinée

Idem, le militant est à son poste. C’est légal, il se tient en silence, sans gêner. Les pompiers, en costumes trois pièces, qui gardent la porte et avec lesquels il s’est lié d’amitié s’enquièrent de sa santé. Ils l’ont vu se faire embarquer. Ils apprennent la nouvelle, atterrés.

Dénoncé, tout aussi abusivement que la veille et les jours précédents, par un collaborateur scientifique du service parlementaire, il est pris à partie par trois agents de la PRVC : Contrôle d’identité, encore… photographies, toujours. On l’entoure, on croise les bras bien haut pour faire saillir le triceps sous le tricot et l’on déploie toute sa testostérone. Seulement, quelque chose a changé.

Le plus jeune, qui a dégainé le smartphone qui sert à ‘scanner’ les gens, appelle son supérieur.

– Attends, il y a quelque chose sur lui…

Le plus gradé s’approche et regarde.

– Ah… ok, fait-il avant de s’éloigner et de prendre son téléphone. A la suite de quoi, quelques minutes plus tard, un cinquantenaire en civil, que les autres appelleront « le chef », se rendra sur place et restera en observation jusqu’à la sortie des députés. Ce n’est plus la même ambiance, on ne tape plus, on a été ‘briefé’.

Dans l’intervalle, l’interpellé, qui ne dit plus « bonjour », doit manifester en silence et veut garder une trace de ce qu’il dit, on ne sait jamais, répond par écrit aux questions qui lui sont posées. D’autres agents arrivent.

L’un d’eux s’esclaffe.

– Il ne parle plus ? J’peux t’dire que, l’autre jour, il parlait.

Référence appuyée à la façon dont lui et ses collègues l’ont fait gueulé pendant les 15 heures de traitement ‘spécial’ dont il a bénéficié. On le sent très content de sa petite sortie, il cherche en vain l’approbation de ses collègues, la gêne est palpable. Visiblement, la nouvelle a fait le tour du service et les avis ne sont pas unanimes ; malaise.

– Vous n’avez pas le droit d’être ici.

L’handicapé fait comprendre que si et qu’il a requis toutes les permissions possibles et inimaginables.

– Vous avez une autorisation ? Montrez-la !

A nouveau, il expose que les autorités de la Ville de Sion ont refusé d’en émettre, en ce qu’elles ne les jugent pas nécessaire dans le cas de l’exercice solitaire de la liberté d’expression (preuve ci-contre). Il ajoute que, par gain de conformité, sans y être nullement obligé, il prend tout de même le soin de prévenir la PRVC, par e-mail, des lieux où il prévoit de se tenir, ainsi encore le 14 mars, les 15 et 20 avril 2023, et que jamais personne n’a jugé utile de lui communiquer la moindre interdiction. Mieux encore, l’emplacement du Grand Conseil, pendant la session, lui a été  suggéré par un ‘responsable’ du Tribunal cantonal fatigué de le voir traîner sous la glycine de son portail.

Le gradé revient.

– Bon… Monsieur, on va de nouveau faire un signalement, avec un rapport, et il y aura des suites, puisque vous n’avez pas le droit d’être là et que vous manifestez sans autorisation.

Tiens, c’est curieux, il n’a pas le droit d’être là mais on ne lui demande pas de partir. Il le menace de suites – pour ne pas dire de poursuites – en raison de sa présence mais pas de son calicot, qui dit pourtant : « La police torture les handicapés ». C’est la seule chose qu’ils ne prendront pas soin de critiquer ou de moquer. Ils viendront tous le lire, un à un, faisant mine de passer, les regards sont fermés, les mâchoires se serrent, pas un ne proteste ; ils savent.

Ils resteront là, offrant une haie d’honneur à ce misérable, jusqu’à ce que la litanie processionnaire des élus de la République, élite contemporaine en confection, chaussures à pointe et teinture violette, ne déboule sur l’avenue pour aller téter sur sa vaporette la bouffée de débouche WC (du propylène glycol !) qui illuminera enfin son esprit.

 

3e scène : 12 mai 2023, au téléphone, vers 11h00

– Allo ? Oui, vous comprenez… c’est compliqué…

– Pas de problème.

– Merci… il y a eu des circonstances, du coup…

– Je comprends.

Ce n’était qu’un remplacement, certes, mais, après des mois sans enseigner, avec à peine de quoi payer un loyer, c’était plutôt pas mal. La liberté n’en est que plus chère.

Ils sont restés gentils, ils ont été parfaits. Ca n’aura pas traîné, pour une fois que les choses vont vite à l’Etat, on ne va pas se plaindre.

 

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