Suisse : Viol & sidération

Depuis maintenant une trentaine d’années, les rejetons du siècle des grandes guerres découvrent avec déplaisir les affres de la libération sexuelle et du tout à la consommation. Ce qui n’était, somme toute, que logique, paraît aujourd’hui effarant et un simple retour à la morale – pardon, à la normale –  est désormais qualifié de progrès.

C’était en 1990, souvenez-vous, Denise Bombardier jetait un pavé dans la mare, osant suggérer que tous les éphébophiles du landerneau littéraire n’étaient que de vulgaires violeurs et que, non, les enfants n’ « aimaient » pas « ça ». L’on a fait du chemin depuis, mais comment oublier le combat de certains partis, en Suisse, il n’y a pas si longtemps, qui réclamaient, en 2012 encore, l’abaissement de l’âge de la majorité sexuelle à 10 ans ?

Quelques décennies plus tard, le mouvement #MeToo brisait, à sa manière, les chaînes de la libération et tentait d’arracher les femmes du grand rayonnage de la boulimie orgasmique de notre temps.
Problème, jusqu’ici, tant pour l’enfant que pour la femme, le violeur c’est l’homme. Pas n’importe quel homme, le patriarche, la figure d’autorité, le mâle blanc cis-genre de plus de cinquante ans ; vous connaissez tout cela.

Essence du mal

Aujourd’hui, le Parlement fédéral fait une avancée considérable, réparant une injustice de près d’un siècle, rappelant que les hommes aussi peuvent être victimes de viol, le code pénal de 1937 réservait alors ce privilège au seul « sexe féminin ».

C’est une rébellion dans cet horizon plombé par plusieurs siècles de revendications révolutionnaires, ni plus ni moins qu’une reconnaissance de l’existence intrinsèque du mal. Le mal n’est plus le monarque, le bourgeois capitaliste ou ses pendants fascistes, racistes, sexistes et ainsi de suite. Le mal existe per se, qui n’a plus besoin du mâle pour subsister. Aujourd’hui, une femme peut abuser, elle peut violer, c’est l’égalité.

C’est un pas de géant dans la pensée humaine étourdie par la guerre des sexes, la reconnaissance que l’oppresseur n’est pas tel appartenant de telle caste mais seulement celui qui s’adonne au mal, qui cède à la tentation. Attention au grand retour de la morale.

Sidération

L’autre intérêt de cette révision du code pénal tient dans l’ajout de la notion de sidération (voir le sujet du 19h30 à ce propos), tétanie hypnotique de la violence, réflexe ultime de défense, qui commande à l’être de sortir du corps pour échapper à la souffrance. Qui ne dit mot ne consent pas, déclare enfin le droit. Reconnaissance ô combien tardive, combien de procès scandaleux faudrait-il reprendre, où la victime s’est entendue reprocher de ne pas avoir suffisamment résisté.

Dans un cas que nous avons récemment exposé, les rapports des principaux responsables, policiers, ambulanciers, tentent de justifier le recours à une extrême violence dans le cas d’un autiste tombé en prostration dès lors qu’on a commencé à le restreindre et à le molester. C’est la même chose. La gauche parlementaire a beau fustiger le « Moyen-Age », notre société n’est pas moins brutale, qui refuse le statut de victimes à ceux qui ont le malheur de ne pas montrer immédiatement tous les signes d’allégeance et de soumission.

Quel coupable ?

Dans ce monde qui semble enfin regretter les ères de l’absolue permissivité, quel responsable désigner ? Se croyant philosophe, l’on désignera le « pouvoir », cette ivresse qui rend fou. Non, le pouvoir a toujours été, le véritable coupable c’est cette forme d’impunité issue d’une absence totale d’attachement à la justice et à la vérité.

Dans la conscience hégémonique, quasi totalitaire, qu’elle a de sa propre perfection, la société démocratique, aveuglée de ses propres lumières, dont les mensonges et manipulations d’opinion sont devenus inhérents à son bon fonctionnement, en est rendue dictatoriale à force de ne plus voir ce qu’elle fait endurer. Combien d’années, combien de victimes cumulées, pour revenir enfin à une seule vérité ?